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Pour une île Maurice meilleure...

L'île Maurice a, ces derniers temps, vécu des moments de solidarité, solidarité qu'elle manifesta surtout lors des Jeux des îles de l'océan Indien qui se sont déroulés l'année dernière et qui ont motivé toute notre jeunesse tant « sportive » ou non. Nous nous souvenons encore de l’enthousiasme de nos athlètes participants dont chacun, à qui mieux mieux, se déterminait à occuper la plus haute marche du podium. Nous nous rappelons aussi tous ces spectateurs en effervescence et qui s'engageaient à chaque compétition à soutenir les représentants mauriciens, à les encourager à mieux se distinguer dans leurs épreuves respectives. Nous n'oublions nullement notre bel hymne repris maintes et maintes fois en chœur. Mais qu'en est-il aujourd’hui? Oui, qu'en est-il aujourd'hui que les Jeux sont terminés, que les spectateurs se sont tus, que les gradins sont désertés? A dire vrai la jeunesse sportive mauricienne, elle, continue son bout de chemin, alors que l'autre partie de la jeunesse est en ce moment enveloppée par un profond silence et petit à petit, celle-ci se retrouve divisée, partagée. En fait, c'est maintenant vraiment que nous devrions nous tenir par la main, maintenant que nous devrions nous unir afin de lutter (ou plutôt tenter de lutter) contre les fléaux économiques et sociaux qui sévissent et s'étendent, dont la drogue qui menace chacun de nous et qui lentement mais surement ronge notre société, si ce n'est pour dire qu'elle la détruira...

L'heure est grave, certes, et nous les jeunes, nous devrions être plus actifs et collaborer massivement afin que les fléaux existants soient combattus à tout prix.

Mais hélas! à voir cette jeunesse actuelle, cette jeunesse en état de torpeur, nous serions tentés de dire que la solidarité n'est pas son fort. Ou alors pourrions-nous dire qu'elle n'existe que dans le domaine du sport. Mais là encore tant de questions se posent. Nous avons encore en tête l'incident qui s'est produit aux Jeux inter-collèges d'athlétisme en 1983, et dont la mauvaise image déçoit encore notre honneur. Il est si décourageant de constater la crainte, l'angoisse même qui habite les partisans d'un collège quand ils se déplacent pour frayer chemin à travers la masse impacte des adversaires, ceux-là mêmes qui, à longueur de journée, ne cessent de vociférer des mots impudiques, voire des jurons contre d'autres supporters, et qui avilissent plus ceux qui les profèrent que ceux qui en sont victimes...

Non, la vraie solidarité n'existe pas. Et Dieu sait combien elle est importante pour la construction d'un meilleur avenir. Existerait-elle qu'elle ne suffirait car seule elle ne peut aboutir à l'unité de notre petit monde. En fait la solidarité doit marcher de pair avec le dynamisme. Mais un simple constat révèle que même pas un iota de l'un ou de l'autre n'existe vraiment et cela nous inciterait à renvoyer notre projet (celui de bâtir une meilleure île Maurice) aux calendes grecques. Cela est dû aux barrières, aux obstacles qui nous séparent, et le racisme qui a pris naissance, s'est développé pour être aujourd'hui de rigueur dans nos diverses ethnies. Sans compter le communalisme, la politique, celle-ci quand elle est mauvaise, chambarde tout. Au vrai, un gros effort a été fait il y a quelques années quand nos équipes de football ont été « décommunalisées ». Ainsi ces équipes connues autrefois comme Muslim Scouts et Hindu Cadets sont aujourd'hui Scouts Club et Cadets Club respectivement. Le Racing, comme d'autres clubs, a ouvert ses portes sous la poussée du changement. Il est malheureux de constater que les Dodos n'ont pas encore atteint cette maturité. Mais il est néanmoins regrettable qu'un tel exemple n'est pas décommunalisation n'ait pas été suivi par tous les supporters. Il est d'autant plus révoltant que personne ne se mette à faire face à des telles situations.

L'île Maurice est certes un pays cosmopolite dont l'avenir dépend d'une population cosmopolite, et si aujourd'hui, nous, les jeunes qui allons bientôt mener la barque ne sommes pas unis, si nous ne purgeons notre pays de ces venins qui sont le racisme et le communalisme, comment pouvons-nous entreprendre la préparation de meilleurs jours?... Il nous faut donc oublier notre « communauté », et nous unir pour faire la force. Pour cela, il faudrait que nous essayions, autant que possible, de changer notre « mentalité » communale. Cette mentalité qui est surtout « visible » quand on se retrouve en groupe de même race, cette mentalité qui est bien souvent inculquée par l'influence des parents ou des amis. Ce n'est qu'après que nous pourrions nous permettre de parler de vraie solidarité et d'envisager un meilleur avenir.

La fondation de plusieurs associations de jeunes réunissant garçons et filles de diverses couches ethniques aiderait, certes, à résoudre le problème du racisme. Et au vrai « Les Nouveaux Chébrans » est un exemple car au sein de cette association, étudiants et non-étudiants de diverses races, se tiennent la main et travaillent dans un même but. Notre association a démontré qu'en oubliant notre couche sociale, qu'en étant solidaire et dynamique, la jeunesse mauricienne peut se révéler productive et pour tenir un langage élogieux, dithyrambique même à notre égard, je dirai que l'exploit que nous avons accompli est inouï, rocambolesque, exceptionnel. Exploit? Oui ce l'est car ce n'est pas chose facile de publier un journal ne serait-ce qu'un trimestriel vendu dans les collèges de l'île, d'autant qu'ü y a seulement quelques semaines nous étions encore la cible de plus d'un critique qui se plaisaient à dissiper cet enthousiasme qui nous incitait à aller de l'avant avec notre projet. Et l'avouerai-je nombreux seront ceux qui riront dans leur barbe en lisant notre publication. Mais peut nous importe! Nous nous sommes fixé un but au départ et dès lors nous nous sommes efforcés à l'atteindre malgré que le chemin qui y mène soit épineux. Aussi voudrai-je faire mention que le premier numéro de notre journal est avant tout le résultat d'une grosse besogne que nous avons abattue...

« Les Nouveaux Chébrans », vous en conviendrez, ont démontré qu'en étant actif, la jeunesse peut sortir de sa torpeur, de sa léthargie. Le grand Rousseau ne disait-ü pas que « sans mouvements la vie n'est qu'une léthargie ». Ainsi en « bougeant », en étant dynamique et solidaire, la jeunesse peut réellement préparer la société de demain, car elle est sans doute l'avenir du pays et elle ne peut rester inerte, passive. Elle doit avoir son opinion, elle doit faire entendre sa voix et essayer de relever certaines failles de la société, ces mêmes failles qui passent souvent inaperçues par certaines personnes qui pourtant ont un regard d'aigle. Il est maintenant grand temps que les jeunes prennent mieux conscience des problèmes économiques, politiques et sociaux tant intérieurs qu'extérieurs, et qu'elle se mette en marche pour une meilleure île Maurice!

Mario GÉBERT

Rédacteur-en-chef

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Référence bibiolographique :
GÉBERT, Mario. « Pour une île Maurice meilleure... », Les Nouveaux Chébrans, Maurice, septembre 1986, p. 1, p. 24.

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Composition du Comité exécutif

Le Comité exécutif à septembre 1986 Leader : Shafick OSMAN (Collège du Saint Esprit) Premier secrétaire : Mario GÉBERT (Collège du Saint Esprit) Deuxième secrétaire : Nathalie RENAUD (Couvent de Lorette de Quatre-Bornes) Troisième secrétaire : Riyad CADER-DOOKHY (Collège Royal de Curepipe) Trésorière et Responsable des relations publiques : Alison CROSBY (Couvent de Lorette de Quatre-Bornes) Assistant-trésorier : Ashraf ESMAËL (Collège Royal de Port-Louis) Membre : Darren POINEN (Collège du Saint Esprit)